• 23 avril 2024

La nouvelle présidente de l'Union Internationale de la Presse Francophone: „A l'ère de la propagande le journaliste a un rôle encore plus grand à jouer.”

La journaliste française Anne-Cécile Robert vient d'être élue présidente de l'UPF, lors des dernières Assises de l'UPF qui se sont déroulées au Maroc du 25 au 27 juillet 2022. Elle dirigera cette organisation pendant les trois prochaines années. Anne-Cécile Robert est journaliste, directrice des éditions et des relations internationales du Monde diplomatique. Le Courrier de Moldavie lui a demandé une courte interview sur les priorités de son mandat concernant l'aide aux journalistes dans la lutte contre la propagande et la désinformation, l'élargissement et le renforcement de l'UPF, mais aussi la promotion de la langue française correctement parlée.

- Mme Robert, vous venez d’être élue Présidente de l’Union Internationale de la Presse Francophone. Dans votre discours inaugural, vous avez mentionné que l'UPF devrait aider les journalistes par des formations pour devenir plus forts contre la désinformation. Quelles actions concrètes seraient menées durant votre mandat?

- Les journalistes partout dans le monde sont confrontés au même problème - les cyber intoxications, les fausses informations qui circulent dans tous les sens et c’est souvent très compliqué pour les journalistes de les débusquer, de les comprendre, de savoir tout de suite faire la différence entre la véritable information et le reste. C’est pour cela qu’une de nos missions est d’aider les confrères à pouvoir rapidement, avec des critères simples et des principes clairs, faire la différence entre le vrai  et le faux. Et l’information c’est l’une des clés. Plusieurs sections de l'UPF le font déjà dans leurs pays et nous souhaitons mobiliser les formations de lutte contre les intox à partir d’expériences déjà connues,  mais il nous faut mettre ça en forme. Ça prendra concrètement la forme d’un document ou d’un guide pratique, d’une formation ou d’une séance d’interaction en direct ou à distance : en tout cas on ne s’interdira aucune modalité parce que le chantier est immense.

- Ce sujet est plus actuel à cause de la guerre en Ukraine et la crise de la pandémie?

- Exactement. On a vu avec la guerre en Ukraine et avec la pandémie à quel point ce qu'on appelle l'info-obésité, ça veut dire la surcharge d’information, pouvait devenir problématique lorsqu’il s’agit des enjeux de santé et de sécurité. Dans le cas de l’Ukraine on voit la propagande de la guerre en faveur de certaines parties au conflit, dans le cas de la pandémie on a vu de la propagande des laboratoires pharmaceutiques. Toutes ces choses troublent le débat,  troublent le travail du journaliste. Quand vous avez de la propagande, quand vous avez des rapports de pouvoir, quand vous avez des intérêts financiers qui se mobilisent avec toute leur puissance pour étouffer une information de qualité, pour essayer de perturber les citoyens, le journaliste a un rôle encore plus grand à jouer et c’est pour cela que l’UPF a une mission primordiale de prendre en charge tous ces défis qui nous arrivent – la propagande de guerre, la pandémie, les défis sanitaires, des défis migratoires. Nous avons la mission de mener nos confrères et consœurs vers des règles et une déontologie claire et aussi des outils, des guides pratiques qui leur permettront de remplir leur mission de journaliste.

- Avez vous d’autres priorités pendant votre mandat?

- Nous devons absolument aider nos confrères qui sont confrontés à des difficultés pour exercer la liberté de la presse dans des  régimes autoritaires, nous devons soutenir nos confrères et consœurs en situation de conflit et puis en tant qu’organisation nous devons avoir des moyens pour encadrer les jeunes qui veulent entrer dans la profession dans un contexte ultra concurrentiel avec des difficultés pratiques et financières énormes. Nous aimerions accompagner les jeunes journalistes avec  évidemment  une attention particulière pour les jeunes femmes, nous avons aussi un grand défi de maintenir et d’accroître le rayonnement mondial de l’UPF.  Nous aimons beaucoup le continent africain, qui est vraiment une source d’inspiration pour nous -, mais nous ne devons pas oublier l’Asie, les Amériques, l’Amérique du Nord avec nos amis du Canada. Donc un autre défi sera de maintenir et d’accroître le rayonnement international et le statut de l’UPF partout dans le monde.

- Vous avez également évoqué la nécessité de promouvoir la langue française correcte, qui serait de plus en plus polluée par des mots étrangers.

- La langue française aujourd'hui est confrontée à ce qu'on pourrait appeler la bataille des langues. C’est à dire que dans le monde mondialisé que nous vivons, il y a aussi une bataille culturelle et une bataille des langues. Parler une langue, pratiquer une langue c’est aussi un enjeu pour défendre sa culture, mais on l’a vu que pour les anglo-saxons ou les chinois la langue est aussi un outil de rayonnement et peut- être d’influence. Et j’ai l’impression que dans le monde francophone, en France en particulier, on n’a pas forcément conscience de l’importance de la langue comme outil d’influence dans un monde ou les rapports des forces et de puissances sont extrêmement importants. Malheureusement la France donne le mauvais exemple, selon moi. Je trouve que les autorités françaises et les médias français pratiquent un français dégradé, avec une grammaire approximative. J’aime bien la langue anglaise, je la parle bien, mais nous avons une belle langue qui véhicule des valeurs et une culture. Donc nous devons aussi montrer que le français est une langue moderne, une langue d’avenir et qu’on peut très bien être moderne et affronter tous les défis du monde dans un français très bien parlé.

- C’est valable aussi pour la langue roumaine.

- Oui, nous partageons tous cette préoccupation. J’ai beaucoup d’amis en Angleterre qui trouvent que l’anglais parlé dans le monde est un anglais appauvri, parce que ça devient une langue internationale est en fait, la substance de l’anglais se perd. Eux aussi sont un peu tristes, eux aussi croient que la diversité linguistique doit être respectée.

Viorica Zaharia,
Marakech

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