• 20 avril 2024

Notre langue maternelle

Nous savons tous que l'ONU signifie L'Organisation des Nations unies. Selon le dictionnaire nation-nations, cela signifie «Une communauté humaine caractérisée par l'unité du territoire, la conscience de l'identité historique et culturelle et, en général, par l'unité de la langue»; «Une communauté stable de personnes, historiquement constituée, basée sur l'unité de la langue, du territoire, de la vie économique et de l’état psychique, qui se manifeste dans les spécificités de la culture».
Au cours du processus de création de l’ONU, il a été difficile de négocier l’acceptation de six langues (arabe, russe, chinois, espagnol, anglais et français) - les quatre premières officielles et les deux dernières comme langues de travail. À ce moment-là, dans le voisinage immédiat de la Seconde Guerre mondiale, sur la douloureuse destruction humaine et matérielle, le représentant de la France s'était opposé à la proposition d'un langage unique de communication entre les peuples - l'Espéranto. La France se sentait forte, grâce au rôle dominant du français qui, pendant des siècles, de la cour du tsar aux chancelleries occidentales, fut la langue de la diplomatie. L'espéranto aurait été l'aspect le plus neutre, démocratique et complet de la construction de l'organisation. Dans un espace commun et démocratique, l'espéranto aurait été la langue de tous, n'appartenant pas à un peuple en particulier. Cela aurait signifié la neutralité et l'égalité dans les négociations, les discussions et les décisions entre les nations, égales en termes de langue de communication.

En effet, 75 ans après la création de l'ONU, ni les langues officielles ni les langues de travail ne sont «égales» en droits d'usage dans l'organisation et dans les différents organes indépendants de la Charte de l’ONU - l'acte constitutif de l'organisation.
La langue est un vecteur, une locomotive extrêmement puissante, qui porte sur ses épaules la culture, la tradition et avec elles la compréhension d'une mentalité, qui est suivie par des habitudes de consommation, de commerce, de développement et, enfin et surtout, d'influence. Il est bien connu que dans les négociations et dans la diplomatie internationale, les arguments sont un élément important, le langage des négociations étant de plus en plus important. En ce qui concerne les négociations, un locuteur natif sera beaucoup plus habile et plus rapide qu'un très bon locuteur de la même langue.

L'ONU a déclaré le 21 février la Journée de la langue maternelle. C'est une fête pour tous ceux qui vivent sur la planète Terre – quels que soient leur religion, leur culture, leur hémisphère et leur fuseau horaire. C'est une vraie fête – une des rares qui appartient à nous tous ensemble et à chacun de nous.

L'UNESCO nous informe qu'il existe actuellement environ 6700 langues dans le monde. Parmi ceux-ci, 43% pourraient disparaître d’ici à la fin de ce siècle. Quelques centaines sont vraiment valorisées et moins d'une centaine sont utilisées dans l'environnement numérique. Toutes les deux semaines, une langue disparaît (!).

La langue maternelle occupe cette place préférée, exceptionnelle, unique, précieuse qui nous ouvre nos horizons, car c'est à travers elle que nous apprenons la vie. J'ai lu dans la presse de Québec, la région francophone du Canada: «Le français de moins en moins parlé est une plaie incurable». De plus en plus d'informations apparaissent sur la lutte constante pour l'existence de leur langue, mais aussi de toutes les langues maternelles. Sur le continent nord-américain, le français est comme une île, entourée de l’anglais canadien et de l’anglais américain. Et là-bas, comme partout dans le monde, les jeunes générations optent pour la facilitation de la communication.

En Europe de l'Est, les romanophones représentent une île latine, bordée uniquement de langues slaves. À l'époque soviétique en Moldavie, malgré le remplacement de l'alphabet latin par l'alphabet cyrillique, la langue a survécu grâce à nos parents et grands-parents, qui l'ont préservée et transmise aux générations futures. Cela n'a pas été facile, mais ils ont résisté à diverses contraintes. Aujourd'hui, en pleine marche de la mondialisation, sans être imposé par aucun gouvernement ni par le comité central d'aucun parti, le roumain et, avec lui la latinité de cette partie de la Terre, sont sur le point de céder. C’est douleureux à voir cette perte de terrain face à la langue anglaise. D'autant plus qu'aucun pays voisin n'a l'anglais comme langue maternelle et qu'il n'y a aucune minorité anglophone sur le territoire national. L'indifférence et la facilité avec lesquelles le lent remplacement de la langue maternelle est accepté sont encore plus douloureuses. C'est humiliant ce sentiment de soumission à une autre langue, sans résistance et sans dignité, au détriment de la langue maternelle.

En République de Moldova, qui a traversé et continue de traverser des difficultés causées par la rivalité de différentes langues sur un même territoire, la sensibilité à toute autre agression linguistique devait être au plus haut niveau d'alerte. Mais, ce n'est pas comme ça. Aujourd'hui, beaucoup de publicités, de produits alimentaires locaux, mais aussi des festivals nationaux, et tant d'autres choses sont affichées en anglais, au mépris de la langue maternelle; dans certaines familles, même «Joyeux Anniversaire! » est chanté en anglais, dans d'autres, les enfants lisent des œuvres étrangères en traduction, comme s'ils n'avaient pas d'écrivains dans leur pays. Et ils ne comprendront jamais ce qu'il y a de beau dans «Souvenirs ... » d'Ion Creangă.

En cette Journée de la langue maternelle, créée en 1999, l'ONU tire la sonnette d’alarme: les langues maternelles sont synonymes d'existence, de dignité, de culture, de diversité. La rapidité du flux d'informations et la facilité des contacts ne signifient pas une seule langue, un seul marché et un seul état d'esprit. La langue maternelle ne doit pas être célébrée un des jours de l'année, mais vécue chaque jour – chaque jour elle doit être parlée, apprise, lue, aimée, transmise.

Margareta Stroot,
ONU

(Le texte traduit par Maria Bendelic, étudiante en première année de master „Communication multilingue, management interculturel et langages des affaires”, Faculté des Lettres, Université  d'Etat de Moldavie). 

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