• 28 mars 2024

Le bonheur et le plaisir ne s’achètent pas

Nous savons tous trop bien que notre pays n’a pas d’accès à la mer, que nous n’avons pas de richesses naturelles, pas de montagne et très peu d’indus- trie. La Moldavie est un pays agricole. Par les temps qui courent, à l’heure où il y a de plus en plus de problèmes ali- mentaires dans le monde et où sévit la spéculation sur le prix des céréales, la terre arable devient un bien précieux, utile et très demandé. Mais apparem- ment pas pour les Moldaves!

Mon paysan de père aimait sa terre, disant que tout peut pousser sur le sol de notre pays, en précisant toutefois: «si on le travaille». Aujourd’hui, à l’ère d’Internet, mais surtout dans le monde enchanté des Organisations non gou- vernementales et de la libre expression, plus personne ne pense à cette terre, qui reste la seule richesse moldave. Plus grave encore, les notions de protection de l’environnement et de respect de la nature paraissent complètement étran- gères aux jeunes Moldaves. On observe certes chaque année quelques actions lancées par diverses ONG soucieuses de remettre des rapports flatteurs à leurs bailleurs des fonds, mais pratiquement rien n’est fait en matière d’éducation quotidienne et de transmissions de ces valeurs aux générations qui grandissent en Moldavie. Or, il s’agit non seulement de leur avenir, mais aussi de leur qualité de vie d’aujourd’hui.

Le printemps est superbe dans ce pays recouvert de forêts et de multiples cours d’eau. Mais hélas, cette saison permet aussi de voir les champs nus, avant l’ar- rivée de la végétation. Au mois d’avril ils sont parsemés de sacs et de bouteilles en

plastique, de canettes de bières et autres objets jetés un peu partout. La terre étant d’une couleur noire intense, tous ces dé- chets sont bien visibles. Dans les villes la situation est encore plus grotesque. Ici les paquets de cigarettes et les canettes de bière vides tombent directement des mains très soignées de demoiselles per- chées sur de très hauts talons et sortant de salons de beauté ou encore assises sur des terrasses à la mode. L’impression désastreuse produite semble ne déranger personne. Le centre ville appartient dé- sormais aux voitures: celles qui station- nent sur les trottoirs ou celles qui roulent à 10 à l’heure dans des bouchons inter- minables. Pas d’inquiétude, car le plus chic est d’être au volant d’une voiture et peu importe la qualité de l’air que respi- rent les enfants sur les trottoirs.

On dirait que des notions telles que la qualité de vie, la qualité de l’air, la protection de la nature n’ont pas leur place. D’ailleurs si vous voulez en- nuyer vos interlocuteurs il suffit de leur parler de la nature, de l’impact du plastique et d’autres formes de pollution. Ils vous regarderont avec une totale incrédulité, comme si vous étiez un extraterrestre. Une telle réac- tion de la part de jeunes moldaves, qui vivent dans un pays européen, qui font des études, qui sont parfaitement «connectés» et très «équipés» en nou- velles technologies a de quoi éton- ner. On peut dès lors se demander à quoi leur sert cette liberté sans limite, quelles informations ils cherchent sur la toile, de quoi ils discutent dans les cafés? Et finalement, s’ils sont heu- reux?

Le Suisse Mathias Binswanger est professeur d’économie et chercheur sur le bonheur. Il n’a pas encore trouvé la recette du bonheur, mais il a consi- gné ses réflexions dans un ouvrage dont la conclusion est que «Le bon- heur et le plaisir ne s’achètent pas». Et même s’ils étaient à vendre, peut-on vraiment être heureux, même équipés de toute la technique moderne, dans un environnement pollué et une nature en voie de destruction?

Margareta Stroot 

 

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