• 23 avril 2024

Mon histoire africaine

Pour moi, l’Afrique a commencé avec la Guinée. C’est le premier pays de ce continent que je visite et je ferai tout mon possible que ce ne  soit pas le dernier. Un évènement journalistique particulier – les Assises de l’Union Internationale de la Presse Francophone - m’a donné cette chance extraordinaire.

La première définition que j’ai formulée pour la Guinée c’est „pays de contrastes”. Le luxe alterne avec la pauvreté, la beauté de la nature - avec le paysage urbain peu attrayant. Notre hôtel  était situé près de l’hôpital municipal, qui, on l’ a appris plus tard, avait été construit par le premier gouvernement français en Guinée. Rien ne laissait supposer que ce bâtiment, vieux et très mal entretenu, était un hôpital. Des murs noircis, une vieille toiture. Nous  avons compris que c’était un bâtiment au service public quand le guide nous l’a dit  et quand nous avons  vu quelques jeunes en … blouses blanches.

Dans la ville, pendant que notre minibus avance vers un Centre sportif récemment construit, on voit plusieurs enfants soit dans les rues, soit devant leurs maisons, près de leurs parents. „Ils ne sont pas à l’école?”, je demande à un camarade africain. „Aujourd’hui les professeurs sont en grève. On revendique des augmentations salariales”, vient la réponse. „Et quel est le salaire d’un professeur?”, dit ma curiosité. „Environ 150 euros par mois”.  Il n’ y a pas de différence de chez-nous. Plus tard, je trouverais  sur Internet que 65% de la population de Guinée (la population totale constitue environ 13 millions d’habitants) étaient analphabètes en 2013, selon les statistiques officielles, avec une majorité de femmes.

Pendant le voyage, je ne peux pas m’empêcher de penser aux familles africaines. „Combien d’enfants ont, en moyenne, les familles?” suit ma  question. „Au moins cinq. C’est dans le cas ou tu as une femme. Il est permis par la religion d’avoir 4 femmes, donc, si un homme a plus de femmes il a, bien sûr, plus d’enfants”. C’est de cette façon que j’apprends que plus de 90% des guinéens sont  musulmans. „Je suis musulman, mais je ne  veux pas avoir plus de femmes. Ce n’est pas honnête. J’ai une femme, je l’aime et nous avons trois enfants”, dit, quelques heures plus tard, le conducteur du taxi qui nous amène au marché. Il a 37 ans.

„La population est si pauvre parce que elle n’a pas de travail. Le seul qui offre des emplois est l’état. Mais il couvre seulement 40% de la population. Il n’y a pas de grandes entreprises ici pour donner des emplois…”, nous explique, avec regret, Mahommed, notre guide à Conakry. Il ajoute qu’un grand nombre de jeunes qui finissent leurs études en Guinée quittent le pays et cherchent des emplois dans les pays voisins.

Après deux heures de trafic infernal sur les artères de Conakry, nous arrivons au Centre sportif. On nous explique que presque tous les espaces sont prêts à recevoir des garçons qui veulent faire du sport professionnel. Les directeurs disent qu’ils veulent, de cette façon, soutenir les familles qui n’ont pas la possibilité de payer pour les entrainements sportifs de leurs fils. Le Centre est situé sur une colline, au pied de la montagne. C’est un paysage magnifique, contrastant avec celui de la ville bondée.

Au marché, où nous arrivons dans l’après-midi, il y a un mélange magnifique d’odeurs, de couleurs et de gens. Si les magasins sont presque inexistants, alors au marché on vend de tout:  produits alimentaires,  vêtements,  bijoux, et même des médicaments. Moi, je suis très contente de trouver du beurre de karité, excellent produit pour les soins de la peau.

„Madame, on peut le manger aussi”, m’explique le vendeur qui prend  10 000 francs guinéens (1 euro) pour un demi-kilo de beurre. Ah, me dis je, quel trésor ! Chez nous, il est difficile de trouver ce produit, alors qu’ en Roumanie, une boite de 65 grammes de beurre  se vend avec  15 lei, c’est à dire 3 euros. Trois euros pour 65  grammes! Et moi qui ai payé 1 euro pour 500 grammes! C’est une bonne affaire, n’est-ce pas?!

Le beurre de karité est un excellent remède pour les allergies de la peau et un produit cosmétique pour l’ hydrater . „Il est extrait du fruit (de la noix) de karité”, me donne notre guide des informations sur la procédure d’extraction, confirmée par Wikipedia.

Dans ma balade à travers  la ville, je marche avec un  remarquable journaliste suisse, qui prend des photos pour un grand reportage qu’il va rédiger pour son magazine. Il me raconte qu’il était en Roumanie en décembre 1989, au moment où le couple Ceaușescu a été exécuté. „Nous étions quelques journalistes étrangers. Des gens  nous ont abrités, très gentils, pour quelques jours. Sans demander d’argent, ça m’a beaucoup impressionné”, se souvient Roger.

Maintenant, il  guette chaque mouvement dans la rue et prend des photos  des femmes, des enfants, des voitures… Il est enchanté d’avoir visité le marché où on a vu la vraie vie des habitants de la capitale guinéenne. J’attends avec impatience son reportage qu’il a promis de publier dans l’ édition de janvier de son magazine!

Il faut aussi décrire  la visite d’ un grand atelier de sculpture en bois. Ici, une dizaine d’ hommes travaillent sur des pièces d’ébène ou de bois rouge pour faire des figurines qu’on vend après pour quelques euros. Je fais connaissance avec Umar, un jeune qui travaille sur une sculpture signifiant l’amour. Son calme, la précision est la ténacité avec lesquelles il se penche sur son travail m’impressionne beaucoup. Il a besoin d’une journée de travail pour faire une sculpture moyenne. On sort de l’atelier les bras pleins de sculptures achetées  à  5 ou 10 euros la piece : des porte-clés, des vases et d’autres objets de décoration.

Après cette balade, je comprends que la Guinée, comme d’ autres pays africains, a un grand problème avec les sources d’eau potable et ménagère et aussi avec l’évacuation des déchets. On peut voir des tas de déchets partout dans la ville, au marché, le long des rues et même devant le poste de police. Il y a aussi des difficultés avec le transport en commun. Dans les rues de Conakry circulent des minibus très vieux, qu’on n’ utilise pas chez nous, pleins de gens qui paient 1000 francs (10 euro cents) pour chaque station. On utilise aussi des taxis, des anciennes voitures, dont les modèles sont disparus depuis longtemps des rues de l’Europe.

En même temps, j’ admire les femmes et les filles habillées avec de longs vêtements colorés , en marchant légèrement avec des turbans ou des plateaux remplis de fruits à vendre sur la tête. C’est un énigme comment elles peuvent les tenir sans les disperser. Nous avons visité un atelier de textiles où quelques femmes d’affaires transforment des tissus de coton en robes, blouses, jupes. Malgré la très bonne qualité des choses, les prix sont bas et nous n’ essayons même pas de négocier, comme nous le faisons au marché. En Afrique, tout le monde sait qu’il ne faut pas acheter sans négociation. Parfois le prix baisse à moitié.

Après une journée passée à explorer les curiosités de Conakry, je reviens, fatiguée, à l’hôtel, où je me prépare pour le premier jour de travail aux Assises de la Presse Francophone. J’attends avec impatience les communications sur le journalisme d’investigation, mon thème favori, la principale ligne de discussion de cette année. L’excursion est finie, mettons-nous au travail!

 

Viorica Zaharia,

Conakry

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